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Rencontre avec Jimmy Hottier, expert de l’autisme et de la réalité virtuelle

Dans le cadre du projet Autism-VR, projet Erasmus+ coordonné par Vifin (Danemark), nous travaillons au développement d’environnements de réalité virtuelle pour aider les personnes autistes dans leur vie quotidienne. Dans ce cadre – et à l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme – nous avons interviewé Jimmy Hottier, fondateur du CNA-VR, basé à Lyon, qui travaille justement sur cette thématique depuis plusieurs années.

PS : Bonjour Jimmy, peux-tu tout d’abord te présenter et nous parler de ton parcours ?
Passionné depuis toujours par les outils du numérique et leurs applications, j’ai découvert par hasard, il y a plus de 7 ans déjà, que la 3D active ou l’immersion en général pouvaient être très bénéfiques aux autistes.
Chaque parent est censé protéger son enfant et le défendre coûte que coûte. C’est encore plus le cas lorsque votre enfant souffre d’un handicap. Car c’est bien connu :  les enfants et la société peuvent être de vrais tyrans envers les enfants handicapés. Et cette différence se transforme en exclusion.
Je suis père d’un enfant autiste, et comme beaucoup j’ ai dû m’arrêter de travailler pour aider mon fils à évoluer !

Le handicap de mon fils Niels a créé une différence avec mes amis et son entourage social, comme pour beaucoup d’enfants porteurs d’autisme. En plus de se faire du souci sur son état de santé, Niels n’a jamais eu une réelle intégration sociale, ni d’anniversaire ou d’après-midi dans un parc public. Il m’a été facile de me rendre compte à quel point cela pouvait lui faire du mal.
C’est bien pour cela que j’ai inventé un environnement qui lui soit propice à tous les niveaux. Il était préférable que je lui apporte un environnement visuel et sonore riche, en 2D/3D comme des films présentant des animaux, des environnements d’autres continents ou des cultures différentes.

PS : Selon toi, quelles sont les opportunités offertes par la réalité virtuelle pour les personnes autistes ?
La réalité virtuelle permet, en plus, de faciliter les apprentissages grâce à l’enrichissement ou l’augmentation de la réalité. Ainsi, des informations peuvent compléter celles qui seraient normalement perçues par l’apprenant en réel.
Par exemple, il est possible de proposer :
Une augmentation de la réalité en informations sensorielles : les capacités perceptives de l’utilisateur sont augmentées. Il peut, dès lors, voir au travers des objets, voir ce qui est caché, voir dans l’obscurité, changer d’échelle temporelle ou spatiale, bref, percevoir ce qui n’est normalement pas accessible à ses organes des sens (ultrasons, radiations). Il acquiert des capacités supra-naturelles. Sa perception du monde n’est plus limitée de la même façon par ses sens. Cette approche peut aider un apprenant à se créer des représentations mentales de phénomènes naturels.

Une réification : la réification est un processus par lequel des données abstraites telles que des équations mathématiques sont matérialisées par des figures concrètes.

Un enrichissement métaphorique de la réalité : afin de supprimer toute ambiguïté et de rendre les données plus explicites, des figures, diagrammes, flèches ou autres signes peuvent être surajoutés afin de faciliter la compréhension des phénomènes qui sont montrés. Ces approches plus structurées peuvent faciliter le passage de la représentation mentale au modèle mental.

Un enrichissement conceptuel de la réalité : des données plus abstraites, des règles, des noms, des concepts peuvent venir enrichir l’environnement virtuel. Cette démarche conceptuelle contribue à la constitution d’une culture commune entre les participants et à l’acquisition de connaissances.

On a assisté, ces derniers mois, à un intérêt croissant des pouvoirs publics pour la réalité virtuelle dans le cadre de l’accompagnement des autistes. Que penses-tu de cette évolution ?

Cette volonté et cette démarche s’inscrit tout à fait dans l’impulsion donnée par le nouveau gouvernement au développement du numérique, au service de l’humain en général, et du handicap en particulier. Mais malheureusement l’impact réel de ce mouvement politique s’essouffle avec le temps. Le 2 avril, c’ est toute l’année !

PS : Quels sont les obstacles que l’on peut rencontrer et comment penses-tu que l’on puisse les surmonter ?
Le premier est totalement technique et ergonomique, les casques ne sont pas totalement accessibles à tout âge, toute taille de tête, et tout le monde ne peut les accepter. De plus, il est totalement faux de croire que la magie opère dès que le casque est posé. Une méthodologie scientifique et mes années de recherche ont donné naissance à un nouveau protocole. Pour les surmonter, c’est assez simple et complexe, car on doit se poser des questions supplémentaires… si on n’est apte à mettre un casque, à utiliser et manipuler des manettes et si on est sensibles et sujets à des cybermalaises, si on a des difficultés de compréhension… Des solutions existent !

Et la solution qui existe actuellement c’est celle qui sera développée au sein de mon activité… L’immersion sans casque. Car il faut bien savoir une chose dans le monde de la réalité virtuelle pour les autistes. Tous les projets qui ont été mis en place ces 10 dernières années ont rencontré des difficultés ils sont partis plus de la technologie, des casques disponibles et moins des acteurs qui les portent. A titre de comparaison, je travaillais de manière bénévole et j’ai donc pu me concentrer sur les utilisateurs pour aller ensuite vers la technologie en prenant en compte leurs besoins.

Comment vois-tu le futur de la réalité virtuelle ?
Simplement sans casque comme on les connaît actuellement, sans manette…pour revenir sur une immersion ouverte.

Finalement, quels futurs projets aimerais-tu développer ?
Reproduire un autre monde, en immersion ouverte… ! Le projet est déjà bien avancé !